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Fiorella Schiffino, CFO chez Raven Indigenous Capital Partners, un fonds d'investissement qui soutient les femmes autochtones entrepreneures

Investissement: soutenir les femmes autochtones entrepreneures

Série Perspectives – Portraits d’investisseur.se.s en capital-risque: #2 Fiorella Schiffino, CFO chez Raven Indigenous Capital Partners et membre de l’équipe d’investissement pour le Québec.

En 2022, une étude du Gouvernement du Canada révélait que seulement 4% des fonds en capital-risque soutiennent des entreprises dirigées par des femmes. Or, investir dans ces entreprises pourrait ajouter 150 milliards de dollars au PIB canadien d’ici 2026.

Pour changer la donne, il nous faut collectivement déconstruire les préjugés auxquels font face ces entrepreneures et se doter de pratiques pour rendre les thèses d’investissement en capital-risque plus inclusives.

C’est pour répondre à ces enjeux que notre communauté de pratique, composée d’investisseur.se.s et d’expert.e.s, a vu le jour.

Nous avons rencontré Fiorella Schiffino, CFO chez Raven Indigenous Capital Partners.

Raven est le premier fonds d’investissement en capital de risque créé et dirigé par des autochtones en Amérique du Nord. Lancé en 2019 dans l’Ouest canadien, il compte 150 millions de dollars en actif sous gestion, investis à 55 % au Canada et à 45% aux États-Unis.

Nous avons abordé, avec Sylvain Carle, la question des enjeux rencontrés par les femmes entrepreneures. Selon toi, les femmes entrepreneures autochtones rencontrent-elles des difficultés supplémentaires?

Chez Raven, nous sommes le premier fonds de capital de risque dirigé par des Autochtones en Amérique du Nord.

Raven Indigenous Capital Partners, un fonds d'investissement qui soutient les femmes autochtones entrepreneures

Nous investissons d’ailleurs exclusivement dans des entreprises fondées ou co-dirigées par des personnes issues des Premières Nations, Métis, Inuits, ou Autochtones des États-Unis et notre stratégie d’impact s’appuie sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

De plus, dans notre 2e fonds, 52 % des entreprises sont dirigées par des femmes autochtones.

Au fur et à mesure des années, on a donc pris conscience des obstacles que ces femmes peuvent rencontrer.

Il y a bien sûr d’abord l’accès au capital. Par exemple, dans les réserves au Canada, les habitants n’ont pas de titre de propriété. Les entrepreneurs ne peuvent donc pas offrir de garanties personnelles pour un emprunt classique.

On a aussi, comme dans le reste de la société mais peut-être encore plus au sein de ces populations, un manque de connaissances et d’informations sur ce qu’est réellement le capital de risque.

Être une femme autochtone entrepreneure vient aussi avec des défis supplémentaires car elles sont confrontées à des barrières culturelles et sociales, y compris parfois au sein de leur propre communauté.

En effet, elles doivent souvent composer avec un manque de reconnaissance et parfois même avec des formes de violence symbolique ou d’isolement liées à leur succès. La relation à l’argent s’inscrit dans une longue histoire collective traumatique.

C’est pourquoi nous sommes d’autant plus impressionnés par leur résilience, leur capacité à allier performance économique et ancrage culturel, et leur volonté de créer de la valeur sociale, environnementale et communautaire.

Qu’est-ce que ça prend, en tant qu’investisseur.e, d’accompagner des femmes entrepreneures?

Cette forte proportion de femmes entrepreneures en portefeuille n’était pas un objectif que l’on s’était fixé au départ, mais on pense qu’elle s’est créée naturellement en résonance avec les domaines dans lesquels on cherche à investir, comme la santé, les produits de consommation, l’environnement ou l’agriculture régénératrice.

C’est aussi lié à nos valeurs et à la diversité que l’on trouve au sein de nos équipes, y compris dans nos équipes dirigeantes. Avoir une associée partner femme, ça attire davantage de femmes entrepreneures à cogner à notre porte.

En tant qu’investisseur.e.s, je dirais qu’accompagner des femmes entrepreneurs nous demande d’abord une approche patiente, adaptée culturellement, et une grande capacité d’écoute.

Chez Raven, depuis notre création, on se pose la question: est-ce que notre façon d’investir est vraiment alignée avec les besoins et les réalités des femmes entrepreneures autochtones? Et on continue à écouter ce que les entrepreneures nous partagent.

Ça prend aussi une équipe qui comprend ces enjeux, qui est formée, et qui est capable d’adapter les outils financiers.

Par exemple, proposer de l’équité ou des dettes convertibles, et éviter les mécanismes qui mettent une pression trop forte ou qui reproduisent des rapports de pouvoir qu’on a l’habitude de voir entre investisseurs et entrepreneurs.

Et puis, il faut se montrer flexible et engagé. Nous, on fait des suivis d’impact, des entrevues annuelles, on crée un cadre dans lequel l’entrepreneure peut définir ce que la réussite veut dire pour elle et sa communauté.

C’est vraiment une relation de partenariat à long terme, où l’investisseur n’est pas juste là pour évaluer, mais pour bâtir avec l’entrepreneure.

Quel est l’intérêt pour toi de participer à la communauté de pratique avec d’autres investisseur.e.s?

Pour nous, chez Raven, rejoindre la communauté de pratique, c’était d’abord une occasion précieuse de tisser des liens au Québec, un marché encore nouveau pour notre fonds.

On avait besoin de mieux comprendre l’écosystème local, de rencontrer d’autres acteurs – fondateurs, investisseurs, partenaires – qui partagent des valeurs similaires, notamment en matière d’équité, de diversité et d’impact social.

La communauté nous a permis de créer des connexions humaines et professionnelles qui ont du sens.

Au-delà du réseautage, ce qui est vraiment riche, ce sont les réflexions partagées. Par exemple, les échanges sur les définitions:

Qu’est-ce qu’on considère comme une entreprise dirigée par une femme?

Est-ce que c’est une cofondatrice? Une dirigeante opérationnelle? Une actionnaire majoritaire?

Ces discussions nous aident à clarifier nos propres critères, mais aussi à mieux comprendre ceux des autres, pour tendre vers plus de cohérence et de transparence dans le secteur.

Atelier de la communauté de pratique Perspectives dans lequel participe Fiorella Schiffino, CFO chez Raven Indigenous Capital Partners, un fonds d'investissement qui soutient les femmes autochtones entrepreneures

Et puis il y a l’aspect introspectif. On a participé à un atelier sur les biais inconscients qui a suscité de très bonnes conversations.

Même pour une organisation comme la nôtre, qui est engagée dans la diversité, c’est essentiel de rester vigilants, de continuer à apprendre, et de se remettre en question. La communauté de pratique nous offre un espace pour ça: un lieu d’apprentissage mutuel, sans complaisance, mais avec bienveillance.

Quels conseils donnerais-tu à une femme entrepreneure qui souhaite obtenir un financement?

Pour n’importe quelle femme entrepreneure, je recommanderais de chercher un investisseur qui partage sa vision et ses valeurs.

Le capital de risque peut être un levier puissant, mais il doit s’inscrire dans un partenariat respectueux. Et surtout: il ne faut pas se décourager. Il y aura des refus, mais cela ne remet pas en cause la valeur du projet. C’est avant tout une question d’alignement.

Et bien sûr, chez Raven, nous sommes toujours ouverts à découvrir de nouvelles entreprises menées par des femmes autochtones innovantes, ambitieuses et ancrées dans leur culture.

On est en train de réaliser nos premiers dossiers au Québec et on espère voir prospérer de belles réalisations.

Cette série d’articles vous partagent les réflexions et les enseignements tirés par notre communauté de pratique Perspectives Investisseur.e.s sur la perspective de genre dans l’investissement en capital-risque.
Une communauté lancée en complémentarité de notre programme Perspectives Entrepreneures.