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Investissement: double défis pour les femmes entrepreneures
En investissement, le manque de données et les préjugés sur les femmes entrepreneures impactent encore leur accès à du financement.
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En investissement, le manque de données et les préjugés sur les femmes entrepreneures impactent encore leur accès à du financement - On a interrogé Sylvain Carle, directeur exécutif de CIVIC

Investissement: le double défis pour des femmes entrepreneures en levée de fonds

Série Perspectives – Portraits d’investisseur.se.s en capital-risque: #1 Sylvain Carle, directeur exécutif de CIVIC

En 2022, une étude du Gouvernement du Canada révélait que seulement 4% des fonds en capital-risque soutiennent des entreprises dirigées par des femmes. Or, investir dans ces entreprises pourrait ajouter 150 milliards de dollars au PIB canadien d’ici 2026.

Pour changer la donne, il nous faut collectivement déconstruire les préjugés auxquels font face ces entrepreneures et se doter de pratiques pour rendre les thèses d’investissement en capital-risque plus inclusives.

C’est pour répondre à ces enjeux que notre communauté de pratique, composée d’investisseur.se.s et d’expert.e.s, a vu le jour.

Nous avons rencontré Sylvain Carle, participant de la communauté de pratique et directeur exécutif de CIVIC, une organisation à but non lucratif dont la mission est d’accompagner les investisseur.se.s d’impact dans le développement et l’amélioration de leurs pratiques.

Penses-tu que les femmes entrepreneures font face à plus de difficultés, dues à leur genre, quand elles approchent des fonds d’investissement en capital-risque?

Oui, tout à fait. Elles sont confrontées à des biais culturels, notamment sur la composition “idéale” de l’équipe de gestion d’une entreprise par les firmes d’investissement  en capital de risque, – qui serait plutôt une équipe masculine parce que perçue comme plus performante et moins à risque.

C’est du moins la perspective traditionnelle du milieu de la finance…

Pourtant ces préjugés ne sont appuyés par aucun chiffre concret. Je dirais même qu’aujourd'hui, les données récoltées nous prouvent qu’au contraire, il y a des avantages à avoir des équipes diversifiées.

De plus,on manque cruellement de données concernant les femmes entrepreneures:

Combien sont-elles à être en affaires?

Combien et qui parmi elles ont réussi leur ronde d’investissement?

Historiquement, les seules données que nous possédons sont basées sur les rondes qui sont conclues, donc en majorité sur les entreprises dirigées par des hommes. Ce qui introduit forcément un biais de renforcement, qu’il faut déconstruire.

Est-ce un manque de données sur les femmes entrepreneures qui serait donc au cœur du problème?

Pas seulement, mais en effet, c’est une bonne partie de notre questionnement aujourd’hui.

Par exemple, il y a quelques années, avec Innovobot (une plateforme d’innovation et d’investissement qui encourage l’innovation s’attaquant aux grands défis sociaux, industriels et environnementaux), on avait pour objectif d’avoir 50% de nos investissements attribués à des entreprises qui comptent des femmes parmi leur direction.

Nous nous étions penchés sur cet objectif en nous posant deux questions essentielles:

Peut-on identifier des critères à différents moments de notre processus de sélection et d’investissement pour choisir plus d’entreprises fondées ou dirigées par des femmes entrepreneures?

Comment élaborer ce processus en détail: sur quels chiffres se base-t-on, à quelle étape et pourquoi?

Et cette discussion, que je pensais régler en deux heures, nous a en réalité pris deux mois. Quand on a commencé à chercher des références pour déterminer nos cibles, c’est là que le manque de données s’est fait sentir.

J’avais également retrouvé ce même enjeu chez FounderFuel, un accélérateur de Real Ventures, il y a une dizaine d’années.

Nous avions voulu savoir combien de femmes entrepreneures étaient fondatrices, cofondatrices ou à la tête des compagnies que nous avions accompagnées.

Et nous étions incapables de trouver ces chiffres parce que personne n’avait jugé important d’avoir ce champ dans notre base de données.

On a donc fait tout un travail de récolte de données qui nous a permis par la suite de déterminer nos objectifs et d’organiser des activités spécifiques pour aller rencontrer, découvrir, attirer des femmes entrepreneures dans les secteurs qui nous intéressaient.

La conclusion que j’en ai tiré: il est crucial de s’équiper d’une référence chiffrée sur cette catégorie distinctive d’entrepreneures pour pouvoir déconstruire les biais qui y sont associés, et mieux intégrer la perspective de genre dans nos thèses d’investissement.

Quelles pistes de solutions avez-vous établies pour réduire ces enjeux?

Tout d’abord, il semblait évident qu’il faille absolument déconstruire les biais dont je vous parlais plus haut, et ce dès le début du processus d’investissement.

D’ailleurs, à titre personnel, ce sont les conversations collectives lors de nos rencontres qui m’ont vraiment aidé à confronter certains biais assez forts que nous avions au sein de mon équipe.

Par exemple, on constate encore aujourd’hui qu’il y a peu de femmes qui étudient en STEM, et donc un nombre encore plus faible qui intègrent les starts-ups en technologie de pointe (deep tech).

Mais ces chiffres ne doivent pas nous freiner: au contraire, ils devraient nous inciter à nous fixer des objectifs ambitieux pour augmenter la proportion des femmes à la direction de ces entreprises qui accèdent à du financement.

Pour changer un enjeu systémique, il faut commencer quelque part, et accepter que cela demande des efforts additionnels.

Ensuite, je pense qu’établir des standards, des modèles, être en contact avec toute la communauté 2X Global* – qui est un super bon cadre de référence international – et de se partager nos expériences professionnelles, c’est essentiel pour démanteler nos idées reçues et les pratiques que nous mettons en place.

Donc au-delà de cette intelligence collective, on en retire un gain de temps précieux pour aller plus loin et s’interroger sur les données les plus importantes dont l’écosystème devrait se doter pour réduire cet écart lié au genre.

*Le 1er Défi 2X a été lancé lors du Sommet du G7 de 2018 au Canada, comme un engagement audacieux des institutions financières multilatérales et de développement à investir dans les entreprises fondées, cofondées ou dirigées par des femmes.
Et quel serait le meilleur moyen de récolter ces données sur les femmes entrepreneures selon toi?

Je pense que les fonds d’investissement doivent aller travailler plus en amont avec les incubateurs, les accélérateurs, les groupes comme MAIN entre autres, qui possèdent ces informations sur les entreprises qu’ils accompagnent, et sur celles qui appliquent à leurs programmes (même si elle ne sont pas sélectionnées).

Pouvoir accéder à ces données dès la phase de structuration, c'est-à-dire avant que les entreprises ne commencent à chercher de l’investissement, nous serait très utile, on pourrait les intégrer dans nos thèses d’investissement sur le long terme.

Puis continuer à faire circuler ces données entre les fonds d’investissement, car je crois qu’il existe une véritable  volonté de collaboration et une envie collective de s’améliorer.

Pour moi, les échanges que j’ai pu avoir avec les autres investisseur.e.s sur tout ce côté pratico-pratique de la mise en opération de l’investissement avec une perspective de genre ont été véritablement précieux.

En parallèle de notre communauté de pratique Perspectives Investisseur.e.s, découvrez les bénéfices retirées par les entrepreneures du programme Perspectives Entrepreneures.