18 Juil Portrait d’impact – Écoboeuf s’attaque aux émissions de GES de la production bovine
Par Pierre Theroux
L’agriculture, comme bien d’autres secteurs de l’économie, a des effets néfastes sur l’environnement. Au Québec, le secteur agricole génère environ 10 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES).
Même si son empreinte écologique pèse moins lourd que d’autres activités économiques, comme le transport qui est responsable de plus de 40 % des émissions de la province, le milieu agricole s’affaire à trouver des solutions pour améliorer la situation.
Ainsi est née en 2019 Écoboeuf, une entreprise de Dupuy dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue qui nourrit de grandes ambitions : assurer une production bovine durable et carboneutre, de même que la pérennité de l’industrie agricole dans la région.
Ferme expérimentale
Constatant que plus de la moitié des GES d’origine agricole proviennent de l’élevage, mais conscient de son importance pour le dynamisme des communautés rurales des régions périphériques, Frédérique et Simon ont voulu développer des solutions permettant de repenser le système actuel.
« Notre réflexion nous a amenés à nous interroger sur les méthodes actuelles de production et l’adoption de nouvelles pratiques pour minimiser l’impact environnemental de la production bovine », souligne Frédérique Lavallée.
Les deux bacheliers en agronomie de l’Université Laval, où ils se sont rencontrés, se sont alors installés sur la ferme familiale centenaire qui est aujourd’hui exploitée par les parents et la sœur de Simon Lafontaine.
La ferme familiale
Depuis, ils peuvent compter à chaque année sur une soixantaine de veaux provenant de la ferme familiale, spécialisée dans l’élevage de femelles de reproduction et de bouvillons semi-finis, pour mener à bien leur propre projet de ferme expérimentale et commerciale.
Pistes d’intervention
Écoboeuf a ainsi mis de l’avant plusieurs pratiques pour réduire les émissions de GES en matière de production bovine. En voici les principales :
Nourris à l’herbe
L’entreprise a choisi de nourrir ses bouvillons exclusivement à l’herbe, ce qui lui permet notamment d’éviter l’alimentation en maïs et soya, ces « grandes cultures intensives dont la production nécessite beaucoup d’engrais et autres intrants agricoles pour augmenter les rendements », explique Frédérique Lavallée.
L’entreprise s’assure ainsi que les animaux s’alimentent directement dans les champs le plus longtemps possible, de mai à octobre, en appliquant une gestion rotative des pâturages.
Écoboeuf réduit du même coup son utilisation de tracteurs et autres équipements. L’herbe est ensuite ensilée pour nourrir les bovins qui, le reste de l’année, sont installés dans des enclos extérieurs adaptés aux conditions hivernales.
Un enclos adapté aux conditions hivernales
L’agroforesterie
Écoboeuf pratique aussi le concept d’agroforesterie qui consiste à intégrer des arbres et arbustes dans les champs agricoles. Dès sa première année d’existence, l’entreprise a planté quelque 2400 arbres, principalement des érables rouges, des épinettes blanches et des peupliers hybrides.
« Les arbres nous permettent de capter le carbone et donc de compenser les émissions de CO2 », fait valoir Frédérique Lavallée, précisant qu’elle est justement en train d’analyser les données compilées ces dernières années pour pouvoir quantifier la capacité de stockage.
Par ailleurs, les arbres ont aussi l’avantage de faire de l’ombre pour les animaux et ainsi améliorer leur confort. Écoboeuf a aussi planté des arbustes fruitiers, comme des amélanchiers et des argousiers, dans l’objectif de diversifier ses revenus.
La biométhanisation
Enfin, Écoboeuf a récemment lancé un projet pilote de biométhanisation des résidus bovins et forestiers afin de réduire davantage les émissions de GES et d’utiliser les gaz qui sont extraits par ce procédé pour différentes applications.
Services conseils
L’approche innovante d’Écobœuf lui a récemment permis de recevoir le Prix de l’intendance environnementale – Québec, qui récompense chaque année le leadership des producteurs de bovins de boucherie en matière de protection de l’environnement.
Ce prix l’amènera à représenter la province au concours canadien qui se tiendra en Saskatchewan, en août prochain.
Une telle récompense « est une belle vitrine. Ça nous donne une plus grande notoriété et crédibilité auprès des producteurs bovins », indique Frédérique Lavallée qui souhaite que des producteurs de la région de l’Abitibi-Témiscamingue, mais aussi ailleurs au Québec et au Canada, remettent aussi en question leurs pratiques d’élevage.
Écoboeuf entend d’ailleurs offrir des services-conseils aux producteurs qui souhaitent bénéficier de leurs connaissances et expertises.
Le défi de la commercialisation
Comme bon nombre d’entreprises en phase de croissance, Écoboeuf fait face à des défis de commercialisation. Pour y remédier, l’entreprise a récemment recruté un diplômé de HEC Montréal qui s’affaire à développer de nouvelles stratégies.
Écoboeuf a aussi cogné à la porte d’Esplanade Québec qui, dans le cadre de son programme de coaching individuel Résolution, l’accompagne actuellement dans ses démarches de commercialisation.
« Nous avons besoin de développer de nouveaux canaux de mise en marché. L’expertise d’Esplanade Québec va nous aider à trouver les commerces qui sont les plus prometteurs et les mieux adaptés à nos produits et façons de faire », commente Frédérique Lavallée.
De plus, l’équipe d’Esplanade Québec accompagne aussi Écoboeuf dans sa stratégie de développement de ses activités en services-conseils.
Pour l’heure, l’entreprise vend ses produits dans sa boutique en ligne. Les consommateurs peuvent y acheter une boîte découverte, sinon un quart ou un demi boeuf ou un boeuf entier, qui sont livrés directement à domicile. Des produits à la pièce sont aussi disponibles dans trois commerces situés en Abitibi-Témiscamingue et dans quatre autres points de vente à Montréal.