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Portrait d'impact: Thèsez-vous, ou comment lutter contre le décrochage aux cycles supérieurs - Esplanade Québec
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Portrait d’impact: Thèsez-vous, ou comment lutter contre le décrochage aux cycles supérieurs

Pour lutter contre la démotivation et les abandons de thèse, cet OBNL propose des retraites d’écriture encadrées et des ateliers en ligne. Le but : être productif, ensemble.

En 2015, Sara Mathieu, chercheuse en santé publique, et deux autres étudiantes au cycle supérieur souhaitent se rassembler une fin de semaine en chalet pour travailler. « On avait l’intuition qu’on serait beaucoup plus efficaces entourées, même si ça peut paraître contre-intuitif, raconte Sara. On se rendait compte que quand on se donnait rendez-vous dans des cafés, l’engagement et la pression sociale étaient favorables à la productivité et nous permettaient aussi de briser l’isolement. » En effet, une fois les cours terminés, la rédaction à la maîtrise ou au doctorat constitue souvent un parcours assez solitaire, dans lequel les universités offrent peu de ressources. Un isolement qui entraîne des enjeux de santé mentale et occasionne souvent des prolongations dans les rendus, voire des abandons – au bout de six ans, plus de 50% des doctorants n’ont toujours pas terminé leur parcours, et la majorité prolonge au-delà des délais prescrits.

Les trois étudiantes font passer le mot autour d’elles, pensant rassembler un groupe d’une dizaine de personnes. Finalement, près de quarante volontaires se manifestent en quelques jours : les filles avaient mis le doigt sur un réel besoin. Sara et ses collègues décident donc de formaliser leur offre et mettent en place une formule de retraite de rédaction intitulée Thèsez-vous : 40 à 50 étudiants rassemblés dans un centre de villégiature et encadrés par des animateurs. « Notre approche intègre des méthodes de gestion du temps inspirées de la technique Pomodoro, assez connue dans le monde entrepreneurial, un accompagnement autour de la fixation d’objectifs et une formation au savoir écrire, explique Sara. Mais plutôt que de donner une série d’ateliers, on fonctionne avec le ‘learning by doing’ : on recommande certaines pratiques, que les étudiants peuvent mettre tout de suite en application. »

Amoindrir la culture de compétition

Vingt heures de rédaction sont ainsi dispersées sur trois jours, par tranches de 50 minutes entrecoupées de pause de 10 minutes. Thèsez-vous se charge d’organiser toute la logistique, de l’hébergement aux repas, et permet ainsi de changer d’environnement tout en proposant des cadres favorables à la concentration. « Il y a aussi un apprentissage de l’équilibre et une reconnaissance du fait qu’on ne peut pas être productif plus d’un certain nombre d’heures, note l’entrepreneure. On gagne à rédiger moins en termes de temps mais à rédiger mieux en termes d’organisation. » La recette fait mouche : si les cofondatrices pensaient organiser quatre ou cinq retraites par an, les séjours affichent complets en l’espace de quelques heures et Thèsez-vous connaît une croissance rapide. Les cofondatrices de l’organisation s’allient alors avec d’autres étudiantes, Élise Labonté-LeMoyne et Marie-Eve Gadbois, et de deux entrepreneurs sociaux, Marie-Eve Ferland et David Gobeil-Kauffman.

L’organisme s’adresse à des étudiants de tous domaines. C’est l’une des forces du modèle, selon Sara : « La culture de compétition présente en milieu universitaire est néfaste pour la productivité et encourage l’isolement. Rassembler des gens de disciplines différentes amoindrit donc le sentiment de compétition et permet de mettre en place une culture de collégialité et d’entraide. Et puis ça crée des discussions stimulantes et des perspectives interdisciplinaires ; c’est tellement chouette de voir des échanges entre un anthropologue et un spécialiste de la médecine nucléaire! » Le séjour coûte 260$. Comme le prix peut être un obstacle pour certains, Thèsez-vous a développé des partenariats avec des universités pour qu’elles financent l’inscription de leurs étudiants.

Espace physique et séances en ligne

Pour garder cet esprit de rédaction collective et solidaire après les séjours, l’OBNL a ouvert un espace à Montréal, sorte de lieu hybride entre le coworking, le café et la bibliothèque. Les mêmes méthodes de travail que les retraites y sont appliquées, et les étudiants doivent s’inscrire par plage horaire. Pour mener à bien ces nouveaux objectifs, les entrepreneures se sont inscrites au programme Accélération de L’Esplanade, où elles ont trouvé un bel élan : en l’espace d’un an, l’OBNL double son offre de services et le nombre d’étudiants soutenus, et ouvre ainsi un espace à Montréal qui roule à pleine capacité après trois mois d’ouverture.

Les entrepreneures louent notamment l’accompagnement qu’elles ont reçu de leurs coachs à L’Esplanade. « Ça a été des personnes très significatives dans notre parcours, qui nous ont challengées, le tout avec une posture d’ouverture – on était vraiment des nerds très centrées sur les données! rit Sara. Nos coachs nous ont aussi amenées à solidifier notre modèle pour qu’on soit moins fragiles financièrement, et ça a eu un effet structurant sur notre façon de fonctionner. Enfin, ça nous a permis de mieux comprendre le monde de l’économie sociale et solidaire, et surtout de nous y inscrire.»

Et puis il y a eu la pandémie, et Thèsez-vous met alors en place des retraites virtuelles. «On se rejoint sur Zoom et on laisse la caméra allumée. Toutes les 50 minutes, on prend une pause ensemble, décrit Sara. On a aussi peaufiné notre approche selon les profils: on a des blocs de 4 heures pour les ‘drop-ins’, des ‘blitz’ de deux jours intensifs, des cohortes qui se rencontrent une fois par semaine pendant un mois, des sessions matinales ou des ‘5 à 7’ pour les parents qui peuvent seulement rédiger le soir… » Pour répondre à la demande, l’OBNL passe de 7 animateurs à 25, et gère un groupe Facebook de 3 500 étudiants. Bref, le besoin était bel et bien là, confirme Sara : « Aujourd’hui, Thèsez-vous est dans les remerciements d’une centaine de thèses et mémoires!»

Sara Mathieu, co-fondatrice et directrice générale de Thèsez-vous.

L’espace de Thèsez-vous.