11 Jan Portrait d’impact: Panier Québécois, une épicerie en ligne qui veut décarboner les livraisons
Livrer à domicile des produits alimentaires tout en ayant une empreinte écologique neutre? C’est ce que vise l’épicerie en ligne Panier Québécois dont la mission est de rendre accessibles les produits frais du marché aux citoyens montréalais.
Avril 2020. La COVID-19 frappe depuis quelques semaines déjà. Beaucoup d’entreprises sont fermées. La population est confinée. Quatre amis d’origine française, Christophe Paganon, Julie Abbots, Jean-Baptiste Paganon et Thomas Lemoine veulent se rendre utiles. Ils publient un message sur Facebook pour proposer aux gens de leur livrer des produits du marché Jean-Talon, à Montréal.
« C’était un simple geste de solidarité, dit Thomas. On voulait aider les personnes vulnérables qui ne pouvaient plus sortir pour faire leurs courses, mais aussi les commerçants du marché Jean-Talon. Le marché était ouvert, mais les clients n’étaient pas au rendez-vous. »
La réponse est immédiate et, bientôt, les commandes se multiplient. Cet engouement attire l’attention de la Corporation des marchés publics de Montréal qui met un local à la disposition du groupe d’amis pour la préparation des commandes. C’est à ce moment que s’impose l’idée de créer une entreprise.
« On avait tous les quatre le désir de travailler sur le terrain et de voir concrètement le fruit de nos efforts, raconte Thomas. On voulait aussi faire les choses à notre manière et en adéquation avec nos valeurs. »
Pour vivre cette expérience, les cofondateurs de Panier Québécois n’ont pas hésité à mettre sur pause leurs carrières respectives en finances, en ressources humaines, en ostéopathie et en génie.
Un pari risqué? « Si nous avions réalisé ce projet en France, j’aurais été plus inquiet, répond Thomas. Mais au Québec, il y a énormément d’opportunités d’affaires et de soutien pour les entrepreneurs. »
Un engagement pour le développement durable
L’entreprise met en œuvre plusieurs actions pour atteindre son objectif d’avoir une empreinte écologique neutre. À commencer par utiliser des vélos-cargos électriques pour une bonne partie de ses livraisons. Avec l’explosion des commandes en ligne, il est en effet crucial de rendre le modèle de livraison plus durable.
Panier Québécois fait aussi la lutte au suremballage et au gaspillage alimentaire. « On privilégie les fournisseurs de produits en vrac, on utilise des caisses et des sacs isothermes réutilisables ainsi que des sacs krafts qui vont au compost, énumère Thomas. On vise le zéro déchet. »
Quant aux aliments invendus, ils sont distribués à des organismes ou donnés aux employés de l’entreprise.
La jeune pousse est aussi interpellée par la question des déserts alimentaires. « Dans certaines zones de Montréal, il est très difficile de se procurer des aliments frais, que ce soit des fruits, des légumes, des viandes ou des poissons, indique Thomas. Pourtant, tout le monde devrait avoir accès à ces produits. Avec notre service, on apporte une solution. »
Finir ses devoirs
Étant donné la manière dont Panier Québécois est venu au monde, ses cofondateurs n’ont pas fait de plan d’affaires ni réfléchi à leur modèle d’entreprise avant de se lancer. Leur participation au programme Accélération d’Esplanade a comblé en partie ce manque.
La séance sur le modèle d’affaires a été particulièrement importante pour l’équipe. « Pour formaliser notre modèle, on a passé beaucoup de temps à réfléchir au service qu’on propose, à notre public cible et à nos compétiteurs, rapporte Thomas. Cet exercice nous a par la suite incités à mieux définir notre entente avec le marché Jean-Talon. Nous ne sommes pas le service de livraison du marché, mais bien une entreprise avec sa propre identité. D’ailleurs, notre plateforme comprend des marchands de la Petite Italie qui ne font pas partie du marché Jean-Talon, mais qui offrent des produits qu’on considère comme essentiels. »
Panier Québécois au Marché Jean-Talon
En suivant le programme de l’Esplanade, l’équipe a également réalisé toute l’importance de prendre du recul pour mesurer l’impact de ses actions. « Sinon, on est toujours dans la folie des opérations et c’est difficile de savoir si on va dans la bonne direction », dit l’entrepreneur.
Des projets d’expansion ici et ailleurs
À l’automne 2021, Panier Québécois traitait 1000 à 1500 commandes par mois. Un nombre respectable, mais insuffisant pour décarboner au maximum les livraisons, estime Thomas. « Lorsque le volume de commandes est trop faible, les vélos cargos perdent beaucoup trop de temps à parcourir de longues distances, explique-t-il. La clé, c’est d’avoir des points de transit d’où la livraison à vélo est possible. Mais pour cela, il faut plus de commandes. »
D’ici septembre 2022, l’entreprise souhaite donc atteindre un volume mensuel de 3000 commandes. Elle vise aussi à effectuer 90 % de ses livraisons sans empreinte carbone. Actuellement, c’est 60 %.
Augmenter son offre avec des produits des marchés Atwater et Maisonneuve est également dans les plans. « Il ne s’agit pas d’offrir des aubergines ou des tomates de plusieurs producteurs différents, mais plutôt des produits complémentaires ou distinctifs », précise Thomas.
Par la suite, la continuité logique pour poursuivre la croissance serait de sortir de Montréal. « On pourrait appliquer notre modèle au Grand Marché de Québec ou même au marché St. Lawrence de Toronto. On y pense. »
En attendant, les quatre amis sont toujours aussi heureux de se lever le matin pour mettre la main à la pâte. Leur entreprise compte maintenant 15 employés pour préparer les commandes, mais ils continuent à s’occuper eux-mêmes d’une partie des livraisons. « Plusieurs clients nous disent que notre service est essentiel et qu’ils l’attendaient depuis longtemps. C’est très gratifiant », conclut Thomas Lemoine.