29 Oct Défis d’entrepreneur.es #3 – Identifier ses limites avant qu’il ne soit trop tard
Chaque innovation peut se heurter à un mur invisible : celui des connaissances et des ressources nécessaires pour transformer une idée en projet concret. Pour Nicolas Jourdan-Gassin, cofondateur de Encore! Biomatériaux, ce mur est apparu très tôt. Et si Nicolas n’avait pas fait une rencontre déterminante, il aurait pu rester infranchissable.
À l’origine du projet
Avec Encore! Biomatériaux, l’idée première de Nicolas est de transformer les rebuts de l’agroalimentaire en matériaux biosourcés (c’est-à-dire fabriqués à partir de ressources biologiques), compostables et entièrement locaux.
L’objectif : limiter le gaspillage et favoriser l’économie circulaire en leur donnant une seconde vie.
En effet, lors d’un projet de recherche à l’Université McGill, le jeune entrepreneur identifie un enjeu récurrent en questionnant des torréfacteur·rice·s et des brasseur·se·s : ces producteurs déplorent que les coproduits issus de la fabrication de leurs boissons — pellicules et marc de café, résidus de bière, etc. — soient enfouis, entraînant la production de gaz à effet de serre et la perte de ressources riches en matières organiques.
« Il y a au Québec une culture de la brasserie fantastique, et les microbrasseries continuent de se multiplier. On voit le même essor dans la torréfaction », explique Nicolas.
Le café étant la boisson la plus consommée dans le monde après l’eau, la quantité de déchets que produit cette industrie est considérable. Depuis 2023, les bacs bruns, autrefois réservés aux particuliers, sont également accessibles aux commerçants, ce qui a amené l’entrepreneur à réfléchir à une façon de revaloriser ces tonnes de déchets organiques, aujourd’hui faciles à récupérer.
Mais bien que son idée de départ soit bonne, à ce stade de développement, le bagage en gestion et marketing de Nicolas ne suffit pas.
Le défi : identifier à ses propres limites
Malgré sa volonté et son envie d’agir, le jeune entrepreneur est limité par un manque de compétences techniques et un réseau encore à construire. Les premières étapes de l’externalisation, cruciales pour la partie R&D (Recherches et Développement) de toute entreprise qui se lance — conception de prototypes, tests techniques, formulation et mise au point des matériaux, validation scientifique — semblent hors de sa portée.
À ce moment-là, Nicolas se retrouve face à une voie « sans issue », dépourvu de solutions concrètes et à sa portée pour faire avancer son projet. Sans jamais avoir eu la vocation de devenir entrepreneur, le jeune homme a souvent été confronté au syndrome de l’imposteur. Lancer son projet représente pour lui un énorme pari et être confronté si tôt à ses propres limites entache parfois sévèrement sa motivation, au point qu’il se dit souvent « Arrête ».
C’est là que, par un incroyable coup du destin, Nicolas fait une rencontre déterminante.
La solution : trouver un partenaire d’affaires complémentaire
Étudiant lui aussi mais à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Alexandre Savard avait identifié la même problématique autour des gisements de matières résiduelles et désirait trouver une solution pour revaloriser ces précieuses ressources.
Mais si son parcours en génie des matériaux et en ingénierie mécanique lui permettait de maîtriser les aspects techniques d’un tel projet, il lui manquait l’expérience dans ceux de la commercialisation.
En d’autres termes, il faisait face au même enjeu que Nicolas : trouver un partenaire d’affaires complémentaire.
Les deux associés se font donc confiance pour développer chacun leur expertise, se donnant carte blanche sur leurs pôles respectifs : Alexandre connaît le développement technologique et la recherche et s’occupe donc de travailler sur la transformation de la matière et la fabrication des objets, tandis que Nicolas bâtit l’image de marque de l’entreprise en herbe pour la faire connaître : développement des affaires, communication, stratégie marketing…
« Alexandre a été LA bonne rencontre, celle qui a apporté la crédibilité technique interne au projet, celle qui a relancé ma motivation au moment où je pensais devoir faire appel à des ressources externes et donc peut-être abandonner mon projet. C’est cette rencontre qui nous a conduit au développement de nos premiers prototypes. En plus, ça a été un vrai match humain et de valeurs. »
Même si chacun travaille sur des pôles différents, les associés, qui vivent à Québec et Montréal, multiplient les aller-retours pour se voir régulièrement.
Conseils d’entrepreneur : savoir rester humble et reconnaître ses limites
Personne n’est expert dans tous les domaines nécessaires au succès d’une entreprise. Cette humilité implique aussi de ne pas rester aveuglé par votre solution, mais de la confronter à la réalité du terrain.
En entrepreneuriat, les imprévus et les réajustements sont la norme : il faut savoir s’adapter aux conditions réelles et composer avec elles. Dans ces moments, la résilience, la capacité d’adaptation et la collaboration sont essentielles.
« Les solutions de demain naîtront de ces mariages, de ces complémentarités. Actuellement, on travaille trop en silos. »
Aujourd’hui
Née de cette rencontre déterminante, Encore! Biomatériaux crée aujourd’hui des objets fonctionnels et décoratifs pour le marché B2C et B2B — lampes, sous-verres, plateaux, tabourets, mais aussi médailles et trophées — tous à partir de matières résiduelles.
Le parcours de Nicolas montre qu’un projet entrepreneurial ne se limite pas à une idée : il exige de reconnaître ses limites, de s’entourer des bonnes compétences et de persévérer face aux obstacles.



